Kim Newman
Moriarty : le chien des d'Urberville

James Moriarty, vous connaissez ? C’est un véritable génie du crime, un Mozart de l’arnaque. Il s’agit bien évidemment de l’ennemi juré du grand Sherlock Holmes… Vous pensez tout savoir de lui n’est-ce pas ? Mais, réfléchissez bien… Vous n’avez qu’une seule version de l’histoire. Celle du Docteur Watson, fidèle acolyte du locataire de Baker Street. Et s’il ne vous disait pas toute la vérité ? S’il avait légèrement modifié l’histoire pour qu’elle rende hommage à Sherlock Holmes et uniquement à lui ? Kim Newman vous propose de découvrir une autre version de l’histoire.

Sous forme de mémoires, le Colonel Moran, bras droit de l’estimé criminel, conte ses dix années de service auprès de la Firme. Moyennant certaines sommes d’argent, la Firme permet d’éliminer quiconque vous dérange, vous aide à planifier le cambriolage parfait, enquête sur ce qui vous fait peur et vous protège en cas de besoin. Elle voit donc débarquer toutes sortes de gens : des voleurs, des tueurs, des hommes politiques, des propriétaires peu scrupuleux, etc. Je vous laisse deviner qui dirige cette fleurissante petite entreprise… Moriarty est froid, calculateur et prêt à tout. Les mathématiques, la science et la physique servent le crime avec brio. Scotland Yard peut toujours aller se brosser pour les attraper.

« Pour m’occuper je songeai au cadeau de bienvenue que je pourrais offrir, par exemple un étranglement gratuit après cinq empoisonnements . Et si nous proposions un demi tarif pour les domestiques ? »

Cette chronique du crime est divisée en sept parties racontant chacune un épisode notable dans l’histoire de la Firme. C’est un découpage intéressant qui permet de lire ce livre presque comme un recueil de nouvelles. Cela lui donne un rythme particulier et permet de le lire plus tranquillement. Pour autant, je n’ai pas eu de difficulté à m’immerger dans cet univers. L’âge d’or du crime est bien là. Le fait que le récit soit à la première personne rends l’immersion encore plus rapide. On a l’impression de recevoir les confidences de Moran, qu’il nous raconte ses aventures avec un ver de Brandy et un cigare. Moran est un anti-héro qu’on ne peut qu’adorer, C’est un homme qui voue un culte à la violence. Il aime un peu trop la guerre et les armes à feu. Il aime chasser le tigre, tuer et coucher avec de jolies femmes. Ses mémoires sont à la hauteur de son personnage : digression sur le beau bruit d’un fusil et sur le joli décolleté des demoiselles… En lisant certains commentaires, j’ai constaté que cela dérangeait beaucoup de lecteurs. Ce n’est pas mon cas. Je trouve que, justement, ces digressions ne sont pas inutiles ; elles donnent du relief à son personnage, elles rendent ce récit plus authentique. Un personnage comme Sebastian Moran n’aurait pas rédigé un texte plat et politiquement correct. C’est un personnage très travaillé. Newman sait tout de lui : lieu de naissance, enfance, adolescence, rébellion, premiers émois, amours, vices…

Chaque aventure se déroule sur 80 à 100 pages environ. Il s’agit, à chaque fois, d’une nouvelle mission confiée a la Firme à laquelle le Colonel a pris part. Ce sont donc les missions les plus mémorables. Le rythme est soutenu et le récit est construit selon un schéma narratif classique. Cela peut paraître un peu banal mais c’est très efficace. Vous n’avez pas le temps de vous ennuyer. Les situations sont assez cocasses et très bien trouvées. De mon point de vue, aucune des sept missions ne se ressemblaient. Le type de mission était différent, les stratégies adoptées aussi. Il n’y a donc aucun risque de sensation de déjà vu ou de rabâchement, Si le récit est souvent palpitant et original, il est aussi très drôle. En effet, que ce soit dans les dialogues, dans les idées de Moriarty ou dans la façon dont tout cela nous est raconté, il y a toujours de quoi sourire.

Il faut tout de même noter que malgré le fait que les diverses missions puissent se lire séparément, elles ne peuvent pas être lues dans le désordre. En effet, la dernière mission est directement liées aux autres missions et fait office de fin. Fin que j’ai d’ailleurs trouvée très surprenante, géniale et, en même temps, tellement décevante. Je ne saurais dire si je l’ai appréciée ou non…

« Un Irlandais allergique à l’alcool, c’est aussi répandu qu’un politicien opposé au vol de l’argent public. »

En conclusion, Moriarty : le chien des d’Uberville aura su me charmer. J’ai beaucoup apprécié la construction du récit et les différents personnages. Kim Newman réussit un coup de maître en exploitant l’univers de Sherlock Holmes en faisant du grand détective un personnage presque anecdotique. Moriarty reste définitivement mon grand méchant préféré.

PS : vous avez vu cette beauté ? L’objet livre en lui-même est juste trop beau…

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